Avant d’aller plus loin sur l’amazaké, les articles ci-dessous pourraient vous intéresser, particulièrement si vous ne connaissez pas bien le koji qui est ingrédient essentiel de cette recette. Si vous ne souhaitez pas en fabriquer vous même, je vous redirige vers Yoromiso ou Sanga qui sont des artisans producteurs français de koji et autre produits dérivés issus de la culture culinaire japonaise!
Le principe de l'amazaké
L’amazaké est une boisson japonaise sucrée obtenue par la fermentation de riz (ou autre céréale) avec du koji. L’amazaké constitue à peu de choses près la première étape dans la production du saké.
La méthode classique pour faire de l'amazaké consiste à mélanger du koji avec une céréale cuite (dans certaines recettes il n’y a pas de céréale ajouté, c’est le cas dans celle du Noma) encore chaud dans de l’eau (certaines recettes n’apportent de l’eau qu’à postériori de la fermentation) et d’essayer de garder le tout aussi chaud que possible, autour de 60°C. Grâce à cette température et un ratio important de koji, les enzymes vont être proactives.
L’approche classique
De nombreux ratios et recettes existent avec une variété de combinaisons entre riz cuit et koji. Une expérience compare trois ratios et trois température d’incubation différentes amène la conclusion suivante :
Plus il y a de koji et plus la température est chaude, et plus le processus de saccharification et de liquéfaction est fort et rapide. Autrement dit, plus il y a de koji et plus le mélange est chaud (pas au delà de 60°C) et plus l'amazaké sera sucré rapidement.
Généralement, l’approche pour faire un amazaké sucré est de suivre la procédure suivante :
Ratio de 1:1:2 (koji, céréale, eau) -> mixer pour augmenter la surface (pas obligatoire) -> maintenir à 55°C-60°C pendant 10 à 14h (même moins, c’est l’expérience qui dira). Conserver au frais une fois refroidit.
Il est possible pour stabiliser le résultat obtenu de le faire légèrement bouillir (pour atteindre une température de 73°C mais les enzymes contenues dans le mélange ne seront plus opérationnellesà, soitde le mettre au frais. Une fois au frigo, les processus de transformation vont continuer et il y a une bonne chance pour que le mélange devienne alcoolisé.
Il est également possible d’aromatiser à postériori en ajoutant du gingembre notamment. Selon la consistance recherchée, il est possible enfin d’ajouter de l’eau pour diluer.
L’amazaké acidulé
L’amazaké acidulé provient de deux méthodes différentes pour arriver à un résultat similaire mais différent sur de nombreux plans.
Umansky et Shihont développé une approche où ils créent un amazaké avec plus d’eau et le laissent à température ambiante plus longtemps afin de favoriser l’émergence des lacto-bactéries.
Pour l’amazaké “lactique” > Ratio de 1:1:4 (koji, céréale, eau) -> maintenir à 55°C-60°C pendant 10 à 14h, filter et maintenir à température ambiante pendant une semaine. Conserver au frais.
La méthode du Noma se repose sur l’utilisation d’un koji-kin (variété d’aspergillus) différentes, soit l’aspergillus luchensis qui produit naturellement de l’acide citrique. Le Noma fait ensuite refermenter l’amazake avec de la levure de chardonnay pour obtenir une boisson peu alcoolisée (style cidre).
Pour l’amazaké “citrique” > Ratio de 1:1,3 (eau et koji) -> mixer et maintenir à 60°C pendant 6 à 8h -> filter et ajouter une levure de chardonnay -> stopper la fermentation assez tôt pour conserver des sucres.
Les variations
Il vous est possible d’effectuer des variations, outre sur le temps et la température, sur les ingrédients également.
Le liquide
Le liquide qui va contenir le koji et la céréale cuite n’a pas besoin d’être de l’eau. Vous pouvez tenter des combinaisons : j’aime beaucoup faire un mélange d’eau et de jus de pomme par exemple. Car le koji agit comme un exhausteur de goût.
Les céréales
En fait, plus que des céréales, il faut utiliser un ingrédient qui est riche en amidon. J’ai essayé avec des bananes, sans trop de succès à vrai dire. Mais j’en entendu parler d’amazaké fait avec un mélange 1:1 koji et patate douce cuite, qui semblait être très bon. Dès lors, vous pouvez expérimenter dans ce sens aussi.
Les condiments
Vous pouvez ajouter à posteriori des condiments, mais une de mes réussites a consisté à gratter du gingembre dans la préparation avant de la maintenir à 60°C. Dès lors, vous pouvez ajouter des fruits (surtout ceux pas mûrs et qui ne vont pas s’améliorer naturellement car récoltés trop tôt) ou d’autres épices.
Le koji
Bien que vous puissiez faire des variations sur le koji même, je vous conseillerais d’utiliser un koji de riz blanc, tout simple et qui est connu pour produire une bonne amylase. Il est possible d’utiliser un koji d’orge : le goût sera plus fruité à mon goût.
Le matériel
Bien qu’il soit possible de produire un amazaké à température ambiante, il est préférable de maintenir la température autour de 60°C afin de favoriser une réaction où les enzymes transforment les amidons en sucres plus simples. En somme le résultat sera plus constant.
- L’incubateur : si vous disposez d’un incubateur (stype Brod and Taylor), il vous suffit de mettre le mélange dans un plat ou un bocal, et de le laisser chauffer à 60°C.
- Le cuiseur à riz : si vous diposez d’un cuiseur à riz, déposez le mélange dedans et laissez le cuiseur sur le mode “maintien au chaud.” L’un des meilleur résultat que j’ai pu obtenir.
- La yaourtière : bien que je n’ai jamais essayé, il est possible de maintenir une température globalement favorable avec une yaourtière, il faudra laisser le mélange un peu plus longtemps pour atteindre un taux de sucre idéal.
- Le temps : Nakamura, un auteur amateur, propose de faire chauffer la mixture à 60°C et verser le tout dans une bouteille ou un bocal hermétique stérélisé en amont (bouillu par exemple). Il faut ensuite laisser reposer 8 jours. L’idéal ici est d’éviter une contamination par des bactéries lactiques ou des levures, pour éviter que le sucre ne soit transformé.
- Le thermos : si vous disposez d’un thermos efficace, déposez la mixture chauffée à 60°C dans le thermos que vous aurez fait chauffer en amont. Couvrez d’un linge pour essayer de maintenir la chaleur autant que possible.
Le type de koji
Il est possible d’utiliser les spores que l’on souhaite, mais on aura tendance à préférer celles plus tournées vers la saccharification. On vise une production sucrée, donc plus orientée vers l’amylase. Le Noma cela évoque évoque l’utilisation de la variation luchensis pour obtenir un amazaké acidulé et très fruité.
Les applications
L’amazaké peut être consommé tel quel et est merveilleux ainsi, mais on peut l’intégrer facilement à plein de cuisines différentes :
- Le filtrer et le faire réduire pour en faire un sirop
- Remplacer l’eau d’un pain ou le lait d’une brioche par ce dernier pour apporter des saveurs supplémentaires et une coloration plus marquée
- S’en servir comme marinade même si c’est différent et moins marqué que le shio koji.
- Globalement remplacer le lait dans les recettes par de l’amazaké, ou s’en servir pour démarrer des fermentations (notamment pour des crêpes ou pancakes)
- Les possibilités sont nombreuses!
Références
Si vous êtes anglophones et que vous voulez rejoindre la communauté internationale d’amateurs du koji je vous laisse quelques liens :
Amazaké classique
Ingrédients
- 125 g Riz cuit ou une autre céréale cuite
- 125 g
Koji de riz type koji de riz blanc orienté vers la production de saké ou de sucre. Voir la recette du <a href="https://www.bonobocuisine.com/koji>koji d'orge</a> - 250 g Eau ou un autre liquide pour tester et vous amuser (mais l'eau c'est mieux pour commencer)
- 1 pincée Gingembre facultatif ou autre saveur complémentaire (cardamome, melon, pomme)
Instructions
Préparation
- Mélangez le koji, le riz cuit encore chaud et l'eau à l'aide d'un fouet ou d'une cuillère en bois
- Si vous voulez optimiser la production de sucre ainsi que le résultat final côté crémeux, passez le mélange au mixeur plongeant ou au blender. Cette étape est facultative.
Fermentation
- Si vous utilisez la méthode du cuiseur à riz : déposez le mélange (mixé ou non) directement dans le cuiseur à riz en mode "maintien au chaud" pendant 10 heures voire plus (jusqu'à 24h).
- Si vous utilisez une autre méthode (incubateur, déshydrateur, yaourtière) : déposez le mélange (mixé ou non) dans un bocal type le parfait, avec un joint pour limiter les risques de contamination et laissez incuber à 60°C ou proche pendant 10 heures (goûtez au fil de l'eau pour savoir quand arrêter la fermentation).
- Si vous utilisez la méthode minimaliste : faîtes chauffer le mélange (mixé ou non) à 60°C (pas plus de peur de détériorer voir inactiver les enzymes qui permettent la conversion de l'amidon en sucres) et versez-le dans un thermos que vous aurez préalablement chauffé avec de l'eau bouillante (on enlève l'eau bouillante juste avant de déposer le mix). Laisser incuber près de 12 heures avant d'ouvrir.
Dégustation
- Une fois l'incubation terminée, vous devriez constater que le riz (ou la céréale) a été bien liquéfié, même s'il reste des morceaux, la consistance doit se rapprocher d'un riz au lait. Le mélange doit être sucré, s'il est acidulé, c'est peut-être qu'il a commencé à fermenter avec des lactobactéries (ce qui n'est pas une mauvaise chose pour autant).
- Ajoutez de l'eau si vous souhaitez obtenir une boisson végétale sucrée ou assaisonnez de gingembre frais ou de cardamome avant de servir sous forme de riz au lait. Vous pouvez mixer le mêlange pour obtenir une consistance plus crémeuse.
5 Responses
Bonjour et merci pour votre recette et vos astuces !
Lorsque vous donnez le ratio des poids à respecter, le poids de riz est il donné en poids sec ou en poids cuit ?
N’ayant pas trouvé de riz gluant, je vais procéder avec un riz blanc classique et une levure ( de couleur rouge ) achetée dans une épicerie asiatique.
Merci d’avance de votre réponse et commentaires !
bien à vous
Pierre
Bonjour ! Merci à vous pour votre message 🙂 Le riz blanc classique fonctionnera sans soucis, je donne le poids en riz cuit pour plus de simplicité, je vais faire les modifications pour l’indiquer sur la recette. En revanche je ne suis pas sur du succès avec de la levure de riz rouge qui serait comme une sorte de cousin culinaire du koji mais tout de même très différent. Je ne suis surtout pas certain de son efficacité enzymatique. En revanche, on trouve souvent en épicerie asiatique des boules de levain de riz. Le goût risque tout de même d’être fort différent. Si vous habitez à côté de Montpellier, je peux vous passer un peu de koji si vous le souhaitez.
Belle journée,
Raphaël
une question et un commentaire :
– question : dans votre recette d’amasaké, vous utilisez du koji de riz.; pourquoi pas directement du koji-kin (spores d’Aspergillus) ?. Par ailleurs, pour refaire de l’amasaké, suffit-il, comme pour le levain, d’utiliser comme starter un peu d’amasaké ou faut-il repartir de kojji de riz ou de koji-kin ? ?
– commentaire : j’ai déjà fait fermenter beaucoup de choses (légumes, pain au levain, tempeh, dosas, etc. , mais je n’ai pas encore essayé l’amasaké. J »ai d’ailleurs publié, il y a 40 ans, le premier livre en français sur les aliments fermentés, qui n’avait intéressé personne. J’étais trop en avance !
– autre chose : pour le pain vous proposez de la farine blanche et de la levure. Pourquoi pas de la farine complète et du levain, bien préférable à tous points de vue ?
Bonjour ! Alors dans l’ordre :
– Le koji-kin sont des spores qui ont besoin d’un environnement spécifique et sélectif pour pousser afin de produire les enzymes qui permettront ensuite de fabriquer l’amasaké ou autre dérivés fermentés. Le koji-kin ou plus simple aspergillus oryzae ne peut pas pousser directement sur un substrat liquide. Pour être efficace il doit pousser sur une céréale. Sa méthode de reproduction similaire à de nombreux champignons passe par la génération de spores. Ainsi pour produire son propre koji-kin, il est nécessaire, quand on fait pousser le koji de le laisser sporuler puis ensuite de récolter les spores. Ceci se faisant dans un milieu stérile sinon vous risquez de récupérer les spores flottantes dans l’air et qui sont indigènes à votre environnement à contrario des spores de koji. Si vous utilisiez un peu d’amazaké pour relancer une production vous n’auriez probablement aucun résultat car l’amazaké n’est pas une culture vivante à proprement parler : ce sont les enzymes du koji qui, mélangées avec de l’eau et une céréale, produisent une boisson sucrées. Les enzymes ont une durée de vie. Une fois que vous avez épuisé celles que votre fournée de koji vous aura donné, il n’y aura plus de possibilité de les utiliser.
– Je serais curieux de connaître le nom de votre ouvrage afin que je puisse me le procurer 🙂
– C’était une recette simple et efficace pour les débutants. Je trouve que commencer par le levain peut être intimidant. Mais effectivement, il est préférable à tout point de vue.
Mon livre est « Les aliments fermentés traditionnels, une richesse méconnue », Ed Terre Vivante, 1985. Il a longtemps été la référence sur ce sujet, mais est épuisé depuis longtemps. On peut le trouver d’occasion, mais cher, sur Amazon, Abebooks ou Rakuten.